TÉMOIGNAGES DES PATIENTS AYANT SUIVI LA THÉRAPIE DE LA RECONSOLIDATION
Témoignages de victimes d’attentats intégrées au protocole Paris Mémoire Vive
A la suite des attentats de Paris, Alain Brunet est venu proposer de tester sa thérapie à grande échelle sur un grand nombre de patients victimes d’ESPT. Un protocole unique au monde, baptisé Paris mémoire vive, a été mis en place en France en mai 2016. Il a permis la prise en charge de 400 patients, via la méthode de la reconsolidation mnésique d’Alain Brunet. 20 hôpitaux de l’AP-HP ont intégré cet essai thérapeutique sans précédent et 160 médecins ont été formés. Le récit des témoignages des victimes et les commentaires et diagnostics des médecins ayant traité ces patients, sont exposés ci-dessous.
"Avant de suivre le protocole du docteur Brunet, la moindre scène banale de la vie quotidienne pouvait ranimer mes souvenirs de l’attentat. J’avais des noeuds dans la gorge, des palpitations, des maux de tête, des sueurs et je craquais régulièrement. Mes nuits étaient peuplées d’insomnies et de cauchemars. J’étais incapable d’affronter des lieux publics, ce qui m’empêchait d’exercer mon métier de vendeuse dans un grand magasin."
Maintenant, après six semaines de traitement, je peux sortir dehors sans sursauter au moindre bruit. Je conduis de nouveau sans stress. J’ai repris mon travail et peux affronter le bruit ambiant de la foule. Je reprends du plaisir à me promener dans le Vieux Nice et à aller boire un verre en terrasse avec des amis. Je peux m’endormir sans crainte de faire un cauchemar.
On m’a retirée une partie d’un poids, ce qui va me permettre d’avancer. Je suis confiante sur mon avenir même si je n’oublie pas et que cela restera toujours en moi.
Emmanuelle
victime de l'attentat de Nice du 14 juillet 2016
"Après avoir été témoin d’une scène de guerre près de chez lui au café de la Bonnebière, le 13 novembre 2015, Max revient 3 mois après la fin de son traitement, sur les lieux de l’attentat où 5 vies ont été fauchées sous ses yeux, là ou il n’arrivait plus à remettre les pieds. Il se rappelle de Lucie à qui il a porté secours. Il lui a donné la main, l’a soutenue avant l’arrivé des secours. « J’ai toujours tous les détails dans ma tête. Par contre, Ce qui a changé pour moi, c’est de pouvoir en parler sans avoir cette douleur, ce stress… Je n’ai plus ce film dans ma tête qui tournait en boucle jour et nuit… sans ce traitement je pense que j’aurais fait une grosse bêtise, j’avais envisagé de me foutre en l’air » !
« Les transports en commun, j’en transpirais, j’en avais peur… Quand je voyais une masse de personnes, c’était une hantise ».
« Aujourd’hui, je me sens très bien, c’est le jour et la nuit. On m’a enlevé le trop plein de mes souvenir tout en le conservant dans ma mémoire. »
Max
victime des attentas de Paris du 13 Novembre 2015
« LES GENS NE VEULENT PAS QUE LEURS SOUVENIRS SOIENT EFFACÉS, ILS VEULENT S’EN RAPPELER, MAIS AVEC MOINS DE DOULEUR »
Témoignage de victimes d’accident de la route et d’agression ayant développé un ESPT
Ce qui est si fascinant dans cette recherche, c’est la façon dont elle joue sur la géographie de la mémoire. Nous pensons souvent à la mémoire comme une entité enveloppée soigneusement dans une boucle. Mais notre souvenir d’une expérience unique atterrit comme des confettis dans le cerveau, dispersés dans des endroits différents.
Les faits neutres de l’événement – je rentrais chez moi, un homme m’a agressé – semblent se loger dans l’hippocampe. Mais le traumatisme émotionnel de ce même événement – la colère contre l’homme, l’horreur du moment – semble être logé dans l’amygdale. « Lorsque le souvenir est ravivé, les deux parties émergent ensemble, comme le son et l’image d’un film », dit Alain Brunet.
Aujourd’hui, on est en mesure de cibler la partie de la peur de la mémoire, mais de laisser intacts les détails de ce qui s’est passé. «Les gens chérissent leurs souvenirs, même leurs mauvais souvenirs. Ils ne veulent pas qu’ils soient effacés, ils veulent s’en rappeler, mais avec moins de douleur.’ »
"Un soir de novembre, sur l’autoroute, une pluie verglaçante, soudain j’aperçois un gros camion en travers de la route, j’allais passer sous le camion…, un coup de volant et je viens m’accoter sur le coté du van ! Mais un deuxième camion surgit et frappe de plein fouet le 1er camion. Je vois le conducteur mourir écrasé … Les ambulanciers ont sorti une jambe! Ma vie s’est arrêtée…ces images étaient figées dans ma tête : Flashback, troubles de sommeil, arrêt de travail, antidépresseurs, thérapies, rien ne me soulageait !
Quand j’ai commencé la Méthode de la reconsolidaton d’Alain Brunet et qu’on m’a dit qu’il fallait que j’écrive mon souvenir… c’était très douloureux, je n’étais pas certaine de revenir une deuxième fois ! Mais après une semaine c’était déjà moins intense… Et au fur et à mesure que les séances avançaient ça devenait comme raconter une scène de film, je n’avais plus vraiment d’émotion rattachée à cela.
Je m’en souviens comme quelque chose de négatif, mais cela pourrait être n’importe quoi d’autres, je ne me sens plus en danger.
En fait, j’ai l’impression d’être retournée comme avant l’accident. C’est une grande libération.
Virginie
victime d'un accident de voiture (Montréal)
Joël, 43 ans, a vécu une attaque à main armée : « Il y a douze ans, deux hommes armés sont entrés dans le commerce d’aliments pour animaux où j’étais gérant. ils ont mis une arme sur ma tête et ont menacé de me tuer ».
Après que l’un des criminels lui eut cogné la tête avec l’arme, il a joué le mort. Pendant des années, il a fait des cauchemars et a subit des flashbacks. Il a rompu avec sa compagne; il a quitté un emploi qu’il aimait ! Habituellement optimiste, Joël dit : «À l’intérieur, j’étais en train de mourir».
Lors de sa première visite chez le professeur Brunet, Joël a rédigé les détails de son traumatisme.
Une fois par semaine durant six semaines, il a pris un bétabloquant, puis a lu son récit perturbant.
Au début c’était l’agonie. «Je me suis rendu compte que toutes ces émotions que je pensais effacées, ne l’étaient pas», dit-il.
Mais a la cinquième séance, Joël a remarque un changement distinct. « J’avais envie de sourire, tout à coup, ce n’était plus moi. »


